Présentation
Depuis 1943, la justice s'est faite sous le double signe de la punition des criminels nazis et de la mise en évidence de leurs crimes, à des fins parfois éducatives ou édifiantes. Et le juge, en disant les crimes, a souvent dit en même temps l'histoire. Bien que les traditions juridique et historique soient, différentes, les pratiques employées par le juge et par l'historien se sont ici révélées très proches, surtout avec la tenue de procès tardifs à valeur " historique ". Les grands procès de Nuremberg, on de Francfort contre les gardiens d'Auschwitz, le procès Eichmann à Jérusalem ou encore les procès contre Barbie, Touvier et Papon, ont contribué de manière décisive à la constitution de récits historiques. Ainsi historiens et juges se croisent : les premiers ont souvent été considérés comme des auxiliaires de justice, comme des " témoins " ou comme des experts : en même temps, les jugements, interrogatoires, pièces à conviction établis par les seconds ont constitué pour eux une source irremplaçable. C'est de cette confrontation que rend compte ce livre sur la postérité de la Shoah.
À la mesure, par son ampleur et son retentissement, du crime qu'il a jugé, le procès de Nuremberg a inauguré un nouveau type de relations entre le juge et l'historien. Désormais, ce dernier ne se contenterait plus d'invoquer l'incertain "tribunal de l'histoire", mais il serait maintes fois appelé à la barre comme expert ou témoin. De nombreux procès – Barbie, Touvier, Papon… – ont montré ces dernières années que le caractère imprescriptible du crime contre l'humanité rendait plus que jamais indispensable leur contribution à l'œuvre de la justice.
Les historiens qui ont signé cet ouvrage apportent chacun un éclairage nouveau sur la question fondamentale du statut de la procédure judiciaire dans le discours historique. À ce problème épistémologique c'est une question éthique qui fait pendant : à qui revient-il de dire le droit ? De dire l'histoire ? Car faire l'histoire de l'Holocauste, c'est aussi faire celle de ses procès. --Thomas Ferrier