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Ingeborg Bachmann , Paul Celan

Le Temps du coeur. Correspondance

Année
2011
Format
grand format
État
d'occasion, très bon
Ean
9782020970235
Présentation

De toutes les correspondances publiées de Celan, et elles sont déjà fort nombreuses, celle-ci est la plus importante (pas la plus belle). Elle était parue en allemand en 2008, la voici publiée en français. Elle est la plus importante parce qu’elle a trait, de manière directe, aux enjeux de leur œuvre poétique respective. Ingeborg Bachmann n’a pas encore 22 ans quand elle fait la connaissance de Paul Celan, de presque six ans son aîné. La rencontre a lieu, en mai 1948 dans cette Vienne que le film de Carol Reed Le Troisième Homme rendra célèbre dans le monde entier: une ville en ruine. Deux mois suffisent pour les marquer l’un et l’autre à jamais, tant sur le plan de leur vie amoureuse que, surtout, sur celui de l’œuvre. En apparence, tout les sépare: elle est la fille d’un adhérent au parti nazi autrichien, lui un Juif rescapé de Czernowitz, ancienne capitale de province de l’Autriche-Hongrie. Mais c’est cette différence même qui compte. Ingeborg n’est pas seulement une jeune et belle femme attirée par un beau ténébreux, elle écrit de la poésie et elle devient pour lui comme une allégorie: l’allégorie de la langue et de la poésie allemandes. La faire sienne n’est pas seulement la séduire, c’est aussi commencer à se réapproprier un bien – la langue allemande – dont les Allemands ont cherché à le déposséder. Elle, de son côté, a dû avoir l’intuition que si elle voulait réussir à devenir poète, ce ne serait qu’au prix de se mesurer à la terrible altérité qu’il portait, lui, dans sa mémoire: il était l’étranger auquel la personne qu’elle était et la langue qu’elle écrivait devaient se confronter. L’extraordinaire, dans cette correspondance, c’est que tout en est dit dès son premier document, le poème «In Aegypten», «En Egypte», qu’il lui remet la veille de son départ pour Paris en le lui dédiant. C’est un poème qui met en scène un double dialogue: dialogue du poète avec lui-même et dialogue avec la femme, «die Fremde», «l’étrangère». Le poète, qui s’adresse à lui-même, s’enjoint de trouver dans cette étrangère celles qui ne sont plus: Ruth, Noémi, Myriam, les Juives parties en fumée dans les camps. Elle, à l’inverse, aura à s’orner «de la douleur éprouvée pour Ruth, pour Myriam et pour Noémi». Le poème autrement dit propose un pacte, qui doit les lier comme amants autant que comme poètes. Un pacte qu’elle ne peut ni accepter ni refuser. L’accepter, c’est se faire Allemande juive, ça, elle n’aurait rien contre, mais surtout c’est entrer dans le tombeau: le tombeau de la mémoire des Juives disparues. Le refuser, c’est participer, même après coup, à la persécution. Celan quitte Vienne pour Paris. Ingeborg reste à Vienne, où elle mène une existence précaire comme lui le fait en France. Entre eux, désormais, à l’exception de quelques brèves rencontres à Paris puis en Allemagne, le lien est essentiellement épistolaire. Mais il est d’une intensité sans égale. Non seulement elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer à la notoriété de celui dont elle a tout de suite compris l’importance, mais, jusque dans la difficulté qu’elle a de lui écrire, lui témoignera son attachement. Plus tard, quand il sera marié et elle en ménage (avec Max Frisch), au moment de l’affaire Goll, elle sera encore l’une des rares à le soutenir sans retenue. Toutes ces lettres, si pleines de silence, de malentendus, de discordes, donnent clairement à entendre la musique si atonale de cet amour. Plus tard encore, un an après qu’il se sera suicidé, elle trouvera, dans son roman Malina, et sous le couvert de la fiction, les mots qui le résument: «Ma vie est finie car il est mort noyé dans le fleuve pendant le transport, il était ma vie. Je l’ai aimé plus que ma vie.»