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Daniel Pennac

LE DICTATEUR ET LE HAMAC

Éditeur
Folio
Année
2005
Nombre de pages
409
Format
poche
État
d'occasion, très bon
Ean
9782070307050
Présentation

Un dictateur latino-américain, Manuel Pereira da Ponte Martins, devient agoraphobe à la suite d?une prophétie et transmet les risques de sa fonction à un sosie (usage courant sous toutes latitudes) pour aller se royaumer dans les casinos de la vieille Europe. Début alerte, dans le registre de ces contes pour enfants qui font les délices des adultes. Une vague inquiétude, pourtant: Daniel Pennac va-t-il tenir 400 pages sur ce ton-là? Mais non, p. 60, c?est fini. Voilà l?auteur dans son hamac, «rectangle de temps suspendu dans le ciel». On est en 1979, à Maraponga, dans les faubourgs de Fortaleza, capitale du Ceará au Nordeste du Brésil, où il a suivi sa compagne. Elle enseigne, il rêvasse; ensemble, ils voyagent «à l?intérieur», cette terra incognita que redoutent les autochtones. Un incident d?avion amène les Français à Teresina dans l?Etat du Piauí. C?est là que surgit l?image source de la fable du dictateur: deux hommes qui rient, appuyés à une bicyclette, sous un réverbère, en regardant un film de Charlot sur une petite télé. A ce stade, le lecteur entre dans l?atelier du roman, une officine où il sera convié régulièrement au cours du récit. Retour au conte. Le sosie - ancien barbier du potentat - se lasse de son rôle, subit la révélation du cinéma, devient projectionniste ambulant dans la brousse. Il finit par embarquer pour Hollywood sur un bateau où, déguisé en Chaplin, il passe pour Rudolf Valentino, ruinant la réputation des deux artistes. Ils l?attendent au port pour le mettre hors d?état de nuire. Pardonné, il devient la doublure du latin lover avant de finir misérablement dans un cinéma où l?on passe Le Dictateur. Puis, Pennac rouvre sa boutique, explique comment naissent et s?autonomisent les personnages, suspend son hamac dans le Vercors, livre quelques confidences sur sa vie conjugale. Et enrichit son patchwork d?un personnage de femme, l?ouvreuse qui aurait trouvé le mort à la fin du film et se serait occupée de ses funérailles. Aujourd?hui vieille artiste indigne à Paris, elle lit le texte de l?auteur d?un oeil sévère, le comparant à ses souvenirs. Et se moque gentiment des visées pédagogiques d?un Pennac qui n?oublie jamais sa vocation de professeur, mais ne manque pas d?auto-ironie. Pendant ce temps, à Teresina, les sosies se succèdent et ne se ressemblent pas et le dictateur d?origine finit par accomplir la prophétie à laquelle il ne croyait pas. C?est touffu? Oui, plus que le sertão, et inutilement. Les mises en abyme, les enfilades de doubles, le jeu du vrai dans le faux et réciproquement, les changements de décor à vue: tout ce dispositif narratif compliqué fatigue sur le long terme. La gentillesse matoise de Pennac attendrit par moments, quand elle n?agace pas. Son sens des digressions burlesques empêche de sombrer dans l?ennui trop souvent. Il a eu la bonne idée d?émailler son récit de ces petits poèmes improvisés que les chanteurs du Nordeste se lancent sous forme de défis. Des images incongrues ou poétiques, des formules heureuses réveillent: «Le hamac a dû être imaginé par un sage contre la tentation de devenir.» Descendu de sa balançoire à rêves, l?auteur, lui, n?a pas résisté à celle de produire exagérément. Il n?est pas interdit, en représailles, d?exercer deux des «droits imprescriptibles du lecteur», tels qu?ils sont édictés dans le célèbre essai sur la lecture des jeunes, Comme un Roman (Gallimard, 1992): le droit de sauter des pages et celui de ne pas finir le livre.

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